Relecteur-correcteur : mise en lumière d’un métier de l’ombre

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Tout le monde sait à peu près ce que fait un relecteur-correcteur : en toute fin de processus d’écriture, je passe et repasse un texte au peigne fin.  Dans mon cerveau, j’ouvre simultanément de nombreux tiroirs : ceux des accords (les fameux accords), du vocabulaire, de la ponctuation, de la syntaxe, de la typographie…

Ce qu’on sait moins, c’est qu’en tant que relecteur-correcteur, je m’amuse comme un enfant dans un bac à sable.   Mais pourquoi donc ?

Parce que le relecteur est un animal curieux

Quel que soit le sujet qui m’est soumis, j’y trouve un intérêt, même si le thème est très éloigné de mes affinités personnelles.  Me croirez-vous si je vous dis que je me suis passionnée pour une note concernant de nouvelles procédures d’assurance ?  Eh bien si.  Je me suis plongée avec la même délectation dans des textes aussi divers que variés : syllabus et ouvrages de développement personnel, mémoires en pédagogie et en sociologie, textes publicitaires pour la pose d’ongles artificiels, biographies, fiche de présentation d’un artiste de cirque…  Je me nourris de n’importe quel thème, parce qu’à chaque fois, ce sont de nouveaux mondes qui s’ouvrent à moi.  Et, même assise à ma table de travail, je veux voyager.

Parce que le relecteur a des tendances psychopathes

Je m’approprie l’écrit de l’autre et je tente par tous les moyens de l’améliorer tout en lui restant fidèle.  Mais j’entre si bien dans la tête et dans le projet de l’auteur que j’ai parfois l’impression d’avoir écrit le texte de base moi-même.  Une partie de moi sait très bien que je ne fais que relire et corriger, mais une autre croit fermement que c’est moi qui suis derrière tout ça.  Jamais je ne l’avouerai à l’auteur, bien sûr, mais son œuvre, c’est aussi un peu la mienne.  Sauf que contrairement à l’auteur, je reste tapie dans l’ombre pour me nourrir en secret de son succès.  Je déteste être démasquée et je me fais rarement prendre…  On ne met jamais la photo du relecteur nulle part, je suis donc tranquille.

Parce que le relecteur a un instinct de chasseur

Dans une vie antérieure, je prenais sans doute plaisir à chasser dans les bois.  Mais les siècles ont passé, mes vies se sont additionnées et policées.  Aujourd’hui, je chasse mes proies, qu’elles soient coquilles ou erreurs, dans le confort douillet de mon bureau, tasse de café dans une main, souris dans l’autre.  Mais mon instinct de chasseur est resté intact.  Je flaire la faute d’orthographe, je lui fais croire que je ne l’ai pas vue et hop ! sans qu’elle s’y attende, je me jette sur elle et je la fais disparaître d’un seul clic bien propre et net.  Bien sûr, certaines prises me donnent du fil à retordre.  Elles sont quelquefois sournoises ou extrêmement bien camouflées.  Parfois même, elles arrivent à m’échapper.   Mais jamais pour longtemps.

Parce que le relecteur aime jouer sur les mots

Faire un choix parmi tous les synonymes d’un mot, déplacer un morceau de phrase jusqu’à ce qu’il trouve sa place idéale, oser proposer une locution imagée, arracher à mes ouvrages de référence le secret d’une règle d’accord (et plus elle est biscornue, plus elle me stimule), améliorer une nuance par l’utilisation d’une simple virgule ou de points de suspension…  Essayez, vous verrez.  On ne vous traitera même pas de coupeur de cheveux en quatre.

Parce que le relecteur a pour mission de se mesurer à…  Dieu 

Le perfectionnisme à outrance n’a jamais bonne presse…  Derrière ma modestie et ma timidité de façade se cache un orgueil démesuré qui ne demande qu’à s’exprimer sans offrir le flanc à la critique.  Et lorsqu’on me demande de corriger un texte, en réalité, on me demande implicitement de restituer un écrit parfait.  Juste parfait.  Donc, je joue à être Dieu.  Et ça, c’est diablement excitant.

Parce que le relecteur est un aventurier solitaire qui aime les aventures collectives

Dans le cas de mon travail de correction-relecture sur le livre Dreamers who Do de Hilde Helsen (éd. Lannoo), j’ai été un maillon parmi d’autres au sein d’une extraordinaire chaîne d’enthousiasmes et de compétences.  Publier un livre est une véritable aventure humaine et Hilde a eu la merveilleuse idée de tous nous réunir à l’occasion du lancement de son livre : copywriter, traducteurs, témoins, éditeur, imprimeur, famille, amis et collègues…

Alors oui, on a beau être une chasseresse d’erreurs, une psychopathe tapie dans l’ombre, une aventurière des mots complètement accro au dictionnaire, une amoureuse passionnée de la langue française, une indécrottable perfectionniste,  certains soirs on est juste une artisane émue par le travail de toute une équipe.  Et tout fait sens.